ASSOCIATION ABRI DE LA PROVIDENCE

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Logo OUEST FRANCE Angers : Vendredi 20 novembre 2009

« L'exil : c'est le résultat de trois siècles d'exploitation » - Angers

OF20112009


Trois questions à Many Camara, sociologue malien résidant à Angers.

Pourquoi de nombreux habitants d'Afrique de l'Est fuient-ils leurs pays ?

Parce que ces pays sont en guerre ou instables politiquement. A cela s'ajoutent la sécheresse et la famine. Mais plus profondément, dans toute l'Afrique, c'est le résultat de trois siècles d'exploitation par des puissances étrangères. Lorsque nous étions colonisés, toutes nos richesses étaient drainées vers le pays colonisateur. Et il nous était interdit de créer des industries de transformation sur place. A l'Indépendance, la prétendue « aide au développement » n'a servi qu'à enrichir l'ancienne puissance coloniale et des régimes locaux corrompus. Avec un système de prêts qui n'a fait qu'étrangler les peuples. Aujourd'hui, les multinationales se livrent une compétition féroce pour mettre la main sur les matières premières : le pétrole du Soudan par exemple. C'est ça qui entraîne les guerres, par états africains interposés.

Dans quel sens la France peut-elle agir pour que cesse cette saignée des forces vives de l'Afrique ?

La France doit agir par une politique déterminée, et non hypocrite. Elle doit s'allier avec les regroupements économiques de pays africains, qu'ils soient de l'Ouest ou de l'Est, pour modifier les règles du commerce à l'échelle planétaire.

Actuellement, au Fonds monétaire international ou à l'Organisation mondiale du commerce, la voix d'un Africain compte six fois moins que celle d'un Américain, quatre fois moins que celle d'un Européen. Tant que ça ne changera pas, les richesses de l'Afrique seront détournées vers les pays du Nord. Et les Africains n'auront d'autre solution que l'exil pour survivre et tenter de faire vivre leurs familles.

Est-ce que la France prend ce chemin-là ?

Pas du tout. Elle fait des déclarations démagogiques. D'ailleurs, elle n'a jamais lutté de façon résolue. Pas même à l'époque de Mitterrand, où le pillage de l'Afrique a été encore plus fort. C'est au citoyen de travailler à transformer la pratique politique. Actuellement, l'argent public est utilisé en son nom par des réseaux mafieux qu'on appelle la Françafrique : une nébuleuse d'hommes d'affaires et d'intrigants qui perpétuent la domination néocoloniale. Si les Français veulent aider l'Afrique, ils doivent sanctionner ce système.

Demander l'asile : un véritable parcours du combattant - Angers

vendredi 20 novembre 2009

Première étape. La domiciliation. Jusqu'à la suspension de cette mesure, l'Espace Accueil domiciliait tous les demandeurs d'asile arrivant à Angers.

Deuxième étape. Une fois domiciliée, soit à l'Espace Accueil, soit chez un particulier, la personne prend rendez-vous à la préfecture de région, à Nantes pour déposer ses empreintes digitales. Objectif affiché pour l'Etat : renvoyer les personnes qui ont déjà déposé une demande d'asile (1). Rien que pour ce rendez-vous, il y a six semaines d'attente.

Troisième étape. Souvent, il faut retourner à Nantes plusieurs fois car la borne Eurodac, qui prend les empreintes, ne fonctionne pas bien. Il y a aussi le cas des personnes qui se brûlent ou se poncent le bout des doigts pour masquer leurs empreintes. Pendant ce temps, la personne n'a ni aide financière ni couverture maladie.

Quatrième étape. Lorsque la préfecture de région établit qu'il s'agit d'une première demande d'asile, elle délivre l'APS : l'autorisation provisoire de séjour. La personne peut alors séjourner dans un Centre d'accueil pour demandeurs d'asile ou un centre d'hébergement d'urgence... s'il reste de la place. Aujourd'hui, il n'y en a plus nulle part en France. Elle perçoit l'allocation temporaire d'attente, de 316 € par mois, et bénéficie de la CMU. Elle a 21 jours pour envoyer sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Mais elle n'a pas le droit de travailler.

En Maine-et-Loire, une dérogation a été accordée par la préfecture pour les travaux saisonniers.

Cinquième étape. Le délai de réponse de l'Ofpra est variable. Lorsqu'elle est négative, la personne peut déposer un recours. Il faut compter en moyenne un an et dix mois pour obtenir le verdict définitif. Soit le statut de réfugié est accordé, avec une carte de séjour de dix ans et la possibilité de travailler. Soit le statut est refusé et il faut partir. Il y a un statut intermédiaire qui autorise la personne à rester, pour des raisons de santé par exemple.

Par contre, les accords de Schengen ne s'appliquent pas aux réfugiés : leur statut ne vaut que dans le pays où ils l'ont obtenu.

(1) Certains pays prennent systématiquement les empreintes et, sans que la personne y ait demandé l'asile, son dossier sera refusé en France. Certains migrants parviennent à ne pas déposer leurs empreintes, à leur arrivée dans l'espace Schengen, en soudoyant le policier de service. D'autres se brûlent ou se poncent le bout des doigts en désespoir de cause.