ASSOCIATION ABRI DE LA PROVIDENCE

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Logo OUEST FRANCE Angers : Lundi 30 août 2010

Mourir de la rue, mais être enterré dignement

OF30082010
Jean-François Fribault, de l'Abri de la providence, et Michel Goyallon, de Fondacio, ont créé un Collectif des morts de la rue. Pour accompagner dignement les sans domicile fixe dans la mort..

Des associations d'aide aux sans-abri ont fondé un collectif pour assurer une sépulture digne aux morts de la rue. Ceux qui y vivent ou y ont vécu, et qui meurent parfois dans l'indifférence.
L'initiative
On l'appelait Papy, alors qu'il n'avait que 50 ans. Paco est mort au pied du château, à l'automne dernier. C'était un SDF. « Il était très connu, très aimé de ses compagnons de rue », se souviennent Michel Goyallon, membre de Fondacio, et Jean-François Fribault, directeur de l'Abri de la providence. Paco a été enterré dignement, devant une petite centaine de personnes.
« Certains SDF se sont étonné que Paco soit honoré de la sorte. Pourtant, ils doivent tous être dignement accompagnés dans la mort. » C'est cet étonnement qui a lancé le Collectif des morts de la rue.
Chaque année, les associations d'aide aux sans-abri recensent plus d'une quinzaine de décès d'actuels ou d'anciens SDF. Leur espérance de vie : 48 ans, « soit 30 ans de moins que tout le monde. Les causes ? L'usure du corps, les addictions, des traitements médicamenteux non pris, des suicides... »
Observatoire de la condition des SDF
Des morts ignorées de leur famille ¯ avec laquelle ils ont souvent perdu contact ¯ mais aussi de leur réseau, constitué des compagnons de galère. Les funérailles se déroulent en petit comité, « car beaucoup ne l'apprennent que lorsque tout est terminé ».
D'où l'idée de mettre en place une structure pour accompagner les morts de la rue, sur l'exemple d'une association parisienne qui existe depuis 2002. Le Collectif des morts de la rue est une antenne de la coordination SDF, constituée d'une cinquantaine d'associations d'aide aux sans-abri. Un réseau qui permet d'alerter en cas de disparition d'un sans-abri. Et d'informer les gens de la rue, lors du décès d'un des leurs.
« Alain était invité à déjeuner chez un ancien SDF pendant la période de Noël. Il n'est pas venu. Le bruit a couru qu'il était mort. On l'a cherché : à la police, à la chambre mortuaire du CHU », se souviennent les deux militants. Alain est décédé chez lui, d'une mort naturelle. « On ne pouvait pas imaginer qu'il soit enterré seul. »
Ils connaissent les convictions religieuses d'Alain. Parfois, il se postait près d'une église et demandait aux fidèles de prier pour lui.
Des travailleurs sociaux trouvent un prêtre, organisent une cérémonie dans la chapelle du cimetière de l'Est.
Un exemple de ce que le collectif voudrait mettre en place, de façon systématique. « L'objectif, c'est d'établir un protocole pour organiser les sépultures. » Échanger avec la famille si la police l'a retrouvée, informer les gens de la rue du décès et organiser des funérailles dignes, en lien avec les proches ou la mairie. À terme, le Collectif des morts de la rue souhaite devenir un observatoire de la condition des SDF.
Avec un espoir : « Qu'honorer ceux qui ont disparu redonne une dignité à ceux qui vivent encore. » Dans la rue ou ailleurs.

Elsa MARNETTE. Ouest-France